Au sein du cinéma français, rares sont ceux à avoir poussé le cumul des mandats (et des compétences) à une telle altitude : auteur, cinéaste, comédien, compositeur, musicien, monteur. Tous les projets télévisés, cinématographiques et scéniques d’Alexandre Astier lui permettent de « penser musique », la passion de son enfance, dont il fait l’apprentissage dès l’âge de six ans au Conservatoire de Lyon, sa ville natale. « C’est un enseignement peu ludique, confesse-t-il avec le recul. Il a fallu quinze ans pour que j’en sorte et apprenne à l’utiliser. La formation académique est longue. » La composition viendra progressivement, vers l’âge de dix ans. De façon précoce, il se construit un home-studio pour enregistrer ses premières œuvres. « Pour moi, reconnaît-il, c’est un amusement, au même titre que les jeux. Aujourd’hui, je continue à fonctionner comme quand j’étais môme. Cette naïveté de l’enfance est une vraie quête, c'est une manière d'être garant de l’honnêteté de la musique qui sort de moi. »
Très vite, Alexandre Astier découvre d’autres horizons musicaux, d’autres cultures, comme des alternatives à l’enseignement du Conservatoire. Soucieux de ne pas hiérarchiser les langages, il se passionne autant pour Bach que pour le rock métal. Ses débuts au théâtre comme auteur et comédien vont vite rejoindre sa passion pour la musique, dès son premier court-métrage, en 2003, Dies irae, sorte d’esquisse de la série Kaamelott, relecture iconoclaste des chevaliers de la table ronde, dont la diffusion sur M6 démarre en 2005 et impose d’emblée le « ton Astier », décalé, référentiel, hirsute, nourri de non-sens anglo-saxon, jonglant avec l’absurde dans le plus grand sérieux apparent. Se constituant aussitôt une véritable communauté d’aficionados, la série se développe triomphalement sur six saisons et, en 2021, renaît sous la forme d’un long-métrage, premier volet d’un triptyque annoncé.
Dans l’intervalle, Alexandre Astier apparaît comme comédien dans plusieurs séries télévisées et films (Coluche, l’histoire d’un mec, LOL), passe à la mise en scène cinématographique en 2012 avec David et Madame Hansen, créé un fulgurant spectacle musical où il parvient à analyser la modernité de Jean-Sébastien Bach avec une grande clarté pédagogique et ludique (Que ma joie demeure !), réalise avec Louis Clichy deux films d’animation adaptés d’Astérix (Le Domaine des dieux, Le Secret de la potion magique), façon d’assumer une filiation évidente avec le grand René Goscinny. Sur ces deux opus, le compositeur Philippe Rombi avouera avec amusement : « C’est tellement insolite de se retrouver devant un cinéaste avec lequel on peut parler d’harmonie, de contrepoint, d’orchestration et de voir dans son oeil à quel point il vous comprend. » Pour Kaameloot : Premier volet, Alexandre Astier passe un cap supplémentaire, en enregistrant avec l’Orchestre National de Lyon la bande très originale, publiée sur l’iconique label classique Deutsche Grammophon. Après un tel symbole, on se demande quel prochain pari musical Astier-cinéaste lancera à Astier-compositeur, pour mieux rêver en avant.