
« Dans mon métier d’acteur, je recherche activement la variété à tout prix. Par peur de l’ennui, tout simplement. Selon une vieille théorie française, le public vous aime pour telle personnalité, tel emploi et refuse de vous voir trop changer. J’ai forcé cette tentation. Se transformer, surprendre, fuir le confort, telle doit être la règle. »
Voilà comment Lambert Wilson résume son approche, celle d’un comédien à la curiosité tous azimuts, ouvert à tous les paris, soucieux d’éviter la sclérose et le syndrome de répétition. Démarche qui lui permet aujourd’hui d’occuper une place singulière sur l’échiquier du spectacle, du cinéma de Xavier Beauvois à la voix de Baloo dans Le Livre de la jungle, des comédies populaires de Fabien Onteniente (Jet set) ou Eric Lavaine (Barbecue) aux mises en scène de classiques comme Bérénice ou La Fausse suivante.
Fils de Georges Wilson, lui-même comédien, metteur en scène et successeur de Jean Vilar à la tête du Théâtre National Populaire, Lambert Wilson grandit dans un milieu artistique, où il fait très tôt l’apprentissage du solfège, puis du piano et du saxophone. En 1973, la fastueuse avant-première des Trois mousquetaires de Richard Lester produit un effet déclencheur. Une vocation est née : il sera acteur. Rompant avec sa famille, il s’exile à Londres étudier la comédie et le chant, avant de revenir en France à l’âge de vingt ans. Aux rôles romantiques de jeune premier, il préfère les personnages torturés que lui proposent Zulawski ou Téchiné. Voire Philippe de Broca dans Chouans !, où il incarne le versant noir de 1789. D’autres grandes rencontres sont à venir : Fred Zinnemann pour son chant du cygne (Cinq jours ce printemps-là), Alain Resnais qui le transforme en pilier de sa troupe (quatre aventures partagées), les Wachowski pour le tryptique Matrix, sans oublier Bertrand Tavernier (La Princesse de Montpensier) et Xavier Beauvois (Des hommes et des dieux), deux films dans lesquels il incarne la figure de l’autorité et de la sagesse. D’un côté, l’intériorité de frère Christian, de l’autre le travestissement en Céline Dion dans le Marsupilami d’Alain Chabat : ce simple vis-à-vis permet de mesurer l’éventail de Lambert Wilson, le champ de ses possibles. Enfin, il faut mentionner des comédies à la première personne signées Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette) ou Valérie Lemercier (Palais-Royal)… ou, autre axe de sa filmographie, les grandes fresques biographiques. À ce jour, Lambert Wilson reste le seul comédien à avoir incarné l’abbé Pierre, Cousteau et de Gaulle.
Et puis, il y a la musique, son autre passion dévorante. En 1990, le spectacle Lambert Wilson chante, au Casino de Paris, soude sa collaboration en haute-fidélité avec Bruno Fontaine, compositeur et pianiste virtuose, qu’il présente d’ailleurs à Alain Resnais pour la direction musicale d’On connaît la chanson. D’autres projets les réuniront comme Démons et merveilles (consacré aux chansons du cinéma français), puis des hommages à Yves Montand et Kurt Weill. D’une certaine façon, les goûts musicaux de Lambert Wilson (pour la chanson française, les standards américains, l’écriture de Stephen Sondheim, pape de la comédie musicale new-yorkaise) sont aussi transversaux que ses choix cinématographiques. Ce qui en fait l’invité rêvé pour la onzième édition du Festival Cinéma et Musique de Film de La Baule. Entre un concert exceptionnel et une rencontre master-class, ce sera l’occasion d’évoquer les multiples vies d’une même vie, afin de mieux rêver en avant.