Claude Lelouch sur la plage de La Baule lors de la 1re édition du festival en 2014.
A l’évocation de son cinéma, on pense d’abord à ses fresques-puzzle qui entrelacent les destins de personnages sur plusieurs générations, au sentiment de vérité, de naturalisme absolu qu’il sait capter en filmant un tête-à-tête entre un homme et une femme, aux folles cavalcades en CinémaScope aux quatre coins du globe, de Deauville à Bombay, de la butte Montmartre aux chutes Victoria… Il faut aussi souligner à quel point son cinéma est organiquement musical : en réalisant les scopitones de Johnny Hallyday, Claude François ou Françoise Hardy, Claude Lelouch découvre la volupté de tourner avec et sur la musique. Cette méthode fondatrice, il l’applique dès Un homme et une femme, le film de sa rencontre avec l’immense Francis Lai. On connaît la suite : succès international, Palme d’Or à Cannes et avalanche de reprises, de Frank Sinatra à Ella Fitzgerald. Dès lors, les délicates mélodies de Francis Lai deviendront à jamais indissociables du cinéma sentimental selon Claude Lelouch.
Véritable parcours au long cours, leur complicité est l’une des plus fascinantes et fructueuses du cinéma français : trente-cinq longs-métrages en cinquante-deux ans, une sorte de symphonie à l’échelle d’une vie, dont chaque film serait l’un des mouvements, de la comédie (L’Aventure, c’est l’aventure, Tout ça pour ça) au polar (Le Voyou, Le Chat et la souris), des portraits de brèves rencontres (Un homme qui me plaît, Un plus une) aux grandes sagas à destins croisés (Les Uns et les autres, Les Misérables du xxe siècle). En 2018, un chapitre se referme avec Les Plus belles années d’une vie, chant du cygne de Francis Lai… sur les déchirantes retrouvailles du couple magique d’Un homme et une femme, Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant. La boucle est bouclée. « En soixante ans de cinéma, résume Claude Lelouch, je suis arrivé au constat suivant : le scénario relève du rationnel, la musique de l’irrationnel. C’est le langage de Dieu. Ma relation singulière à Francis tient aussi de l’irrationnel. Ses notes sont plus fortes que mes dialogues. Une mélodie se retient plus facilement qu’un texte. Sur mes plateaux, quand je suis à court de mots, d’arguments, je lâche la musique et je la laisse prendre en main mes comédiens. Elle intensifie tout : les sentiments, les grands espaces, les regards silencieux. »
Claude Lelouch vivra d’autres aventures musicales majeures, aux côtés de Michel Legrand, Didier Barbelivien, Laurent Couson et, récemment, Ibrahim Maalouf, compositeur de Finalement, road-movie original avec Kad Merad, qui sortira à l’automne 2024. En 2014, avec Francis Lai, le cinéaste avait été l’invité d’honneur de la première édition du Festival de Cinéma et de Musique de Film de La Baule, dont il s’était déclaré « parrain de cœur ». Symboliquement, il y revient cette année, pourfêter dignement les dix ans de l’évènement. L’hommage qui lui sera rendu s’articulera en trois temps : une master-class exceptionnelle, la projection en avant-première de la nouvelle version de son autoportrait cinématographique, D’un film à l’autre… et, enfin, un concert symphonique, avec l’Orchestre National des Pays de la Loire, dirigé par Nicolas Guiraud. Avec Claude Lelouch, ce seront de nouveaux moments de partage, de transmission et de célébration. L’Aventure de son retour à La Baule, c’est une Belle histoire pour mieux découvrir l’Itinéraire (en musique) d’un enfant gâté, d’Un Homme qui (nous) plaît.