Au carrefour de la musique symphonique, du jazz moderne, de la pop et des folklores, le compositeur a réinventé le son d’Hollywood avec « Bullitt », « Luke la main froide », la saga des « Dirty Harry », « Opération Dragon », « Brubaker » sans compter les séries télévisées « Mission : impossible », « Mannix », « Starsky & Hutch »… Autant de partitions qui fonctionnent comme des portraits de Clint Eastwood, Steve McQueen, Robert Redford, Paul Newman ou Bruce Lee. Sans oublier The Fox de Mark Rydell, dont est issu le célèbre thème des publicités Dim depuis quatre décennies.
Certes, les thrillers à succès de Schifrin lui ont fabriqué une étiquette de « urban action music man », image flatteuse mais peu conforme à la réelle palette de ses capacités. Car le cinéma de Lalo Schifrin, ce sont aussi des collaborations singulières avec George Lucas, Richard Lester, Billy Wilder ou Liliana Cavani.
Dans les années quatre-vingt-dix, Schifrin est invité à revisiter son propre passé : Carlos Saura le ramène à ses racines argentines dans « Tango », Brett Ratner le sollicite de manière référentielle pour la série des « Rush Hour », comme un lien vivant avec Bruce Lee.
A côté de l’écriture pour l’image, Schifrin enregistre depuis 1992 une collection d’albums intitulée « Jazz Meets the Symphony », déclaration d’amour à la musique au pluriel.
En 2013, la documentariste Pascale Cuenot lui consacre un portrait sensible, fédérant des témoins de plusieurs générations, de John Boorman au bassiste Kyle Eastwood (le fils de Clint).
2016 est marqué par la création de plusieurs musiques de concert, dont un concerto pour guitare, « Concierto de la Amistad », dirigé par Gustavo Dudamel au Hollywood Bowl.
L’automne 2016 représente aussi, à l’invitation du Festival Cinéma et Musique de Film de La Baule, le retour symbolique de Schifrin en France, son pays d’adoption lors de ses études, au Conservatoire de Paris. L’hommage musical que lui rendra Jean-Michel Bernard, l’un de ses disciples, sera un formidable moment de spectacle, totalement original. Et prouvera à quel point Lalo Schifrin incarne aujourd’hui une sorte d’idéal pour les artistes du nouveau monde : son sens mélodique, la luxuriance de ses orchestrations, son génie du rythme lui confèrent un statut singulier, celui d’un compositeur savant d’expression populaire.
Stéphane Lerouge